Bonjour à toutes et à tous, je suis Yoann Levet, l’auteur d’ArcheOlogic et je vais vous raconter ici l’histoire de sa création.
Avant ArcheOlogic
Je joue aux jeux de société “modernes” depuis environ 20 ans, mais ce n’est que depuis une dizaine d’années que j’ai commencé à en créer.
Myrmes, mon premier jeu, est celui qui m’a fait connaître. Il s’agissait alors de mon tout premier prototype, et il a connu un joli succès. C’est un jeu de gestion de ressources, et même si c’est un genre de jeu que j’adore, ma plus grande passion a toujours été les jeux de déduction.
Sleuth, Zendo, Telepathy, Code 777, Sherlock 13, etc… font partie de mes préférés dans cette catégorie. Je parle bien sûr de déduction logique, car il y a de nombreuses autres formes de déduction dans les jeux. Pour autant, je n’ai franchi le cap de la création de ce genre de jeu que récemment. Peut-être qu’auparavant je n’avais pas encore saisi la manière de les concevoir.
Tout a commencé avec Turing Machine qui a été mon premier jeu de déduction. Vous le savez peut-être déjà, c’est moi qui ai apporté l’idée des plaquettes perforées que l’on retrouve dans ce jeu. J’ai fait cela avec l’idée forte que l’on pouvait créer un jeu avec du matériel “intelligent”, dans le sens qui était capable d’interagir avec le joueur et même de répondre à ses questions. J’ai appelé ça du “low tech”, de la technologie sans électronique.
De ce concept de matériel qui répond à des questions, j’ai créé toute une série de jeux utilisant du matériel divers et varié : des trous, des superpositions, des transparences, des aimants, etc… Et le genre qui était le plus à même de supporter ce genre d’idées était le jeu de déduction.
La rencontre
Nous étions alors en octobre 2020, en pleine pandémie COVID, et j’avais cinq ou six prototypes de jeux de déduction. Chose étonnante, ArcheOlogic était le seul à ne pas avoir de matériel qui répondait aux questions des joueurs ; de manière assez classique, on interrogeait les autres joueurs. Pour la petite histoire, ArcheOlogic s’est toujours appelé ainsi, et c’est la première fois que cela m’arrive de conserver le titre d’un prototype.
C’est à cette période que Cédric, le boss de Ludonaute, m’a dit qu’il cherchait à éditer un jeu de déduction. Il ne pouvait pas mieux tomber en me posant cette question, je lui ai alors envoyé un pitch de chacun de mes jeux et deux d’entre eux lui ont tapé dans l’œil, dont ArcheOlogic. L’autre était un jeu dans lequel il y avait justement du matériel qui répondait aux questions des joueurs. Je lui ai alors envoyé les prototypes de ces deux jeux.
Environ un mois plus tard – le temps de recevoir les jeux et d’y jouer plusieurs fois – Cédric m’annonçait qu’il avait un coup de cœur pour ArcheOlogic et qu’il voulait me le réserver pour que l’on voit où on pouvait amener ce jeu. Ce que j’ai évidemment accepté.
Le développement
Assez rapidement l’idée est venue de fusionner les deux prototypes que je lui avais envoyés afin qu’ArcheOlogic intègre cette notion de matériel qui répond aux joueurs.
Il m’avait alors parlé d’un livre qu’il adorait, “Les Royaumes du Nord” de Phillip Pulman, et d’une série “His Dark Materials” dans lesquels il y avait un objet qui répondait aux questions : l’Aléthiomètre.
Je lui ai alors répondu que c’était une source d’inspiration parfaite pour ArcheOlogic. Une heure après, je lui envoyais ces trois croquis :
Carte Défi
Étage 1
Étage 2
Les concepts fondateurs d’ArcheOlogic étaient nés. Il s’en est alors suivi, comme je l’avais déjà fait pour Turing Machine, des jours et des jours de développement, de découpes laser pour procéder à de nombreux tests :
Après de nombreux tâtonnements, la première version de ce qu’on appellerait plus tard l’archéoscope était née (voir ci-contre).
Cette version-là devait afficher des valeurs numériques pour fonctionner, car il n’y avait pas assez de trous disponibles, et cela ne nous plaisait pas trop. C’est pourquoi nous sommes plus tard passés à des disques double face, ce qui nous a permis de multiplier le nombre de trous et d’afficher plusieurs informations sur chaque réponse, tout en agrandissant le plus possible la taille de ces trous. Cette phase d’adaptation du matériel a été la plus complexe.
Les algorithmes de génération de tout cela ont été faits en Java, un langage que j’adore et dont j’ai une grande habitude. La programmation n’est pas du tout mon métier, juste ma passion. D’ailleurs, depuis que j’ai réussi à marier mes deux passions, la programmation et les jeux de société, je suis le plus heureux des hommes.
À titre de comparaison, et aussi étonnant que cela puisse paraître, les algorithmes derrière ArcheOlogic sont énormément plus complexes que ceux de Turing Machine. En effet, dans Turing Machine, l’abstraction est simple puisqu’il s’agit de valeurs et les plaquettes sont sous forme de quadrillage toutes identiques. Avec ArcheOlogic, on doit afficher des données plus complexes, et il s’agit de 3 étages de disques, complètement différents, qui tournent les uns par rapport aux autres.
Un univers dépeint par Pauline Detraz
Une fois le matériel et la mécanique du jeu établis, nous nous sommes penchés sur le thème du jeu. La recherche d’ossements de dinosaures nous paraissait trop classique, et surtout en désaccord avec le nom du jeu. Nous avons donc décidé de revenir au thème de l’archéologie mais sans tomber dans un style Indiana Jones coloré. Ce look étant beaucoup utilisé dans les jeux.
Dans cette version du prototype nous avons exploré l’Archéologie sous-marine.
Et c’est alors que Ludonaute a fait le merveilleux choix de Pauline Detraz comme illustratrice (Akropolis, Nimalia, Quickshot, etc…) et qu’elle nous a partagé ses idées d’univers graphique dont nous sommes immédiatement tombés amoureux :
Le grand bain !
C’est alors que le jeu a commencé à prendre sa forme finale, et que nous l’avons pas mal fait tourner sur les festivals. Les retours étaient très enthousiasmants.
C’est à peu près à cette période que nous avons décidé de proposer une application “compagnon” pour le jeu. Quelque chose de complètement optionnel mais qui pouvait permettre de magnifier l’expérience de jeu. Fort de mon expérience acquise avec la réalisation de l’application de Turing Machine, nous avons décidé que ce serait moi qui la réaliserais. Cela n’a pas été juste une charge de travail supplémentaire puisque Ludonaute m’a rémunéré pour cela. Cela n’aurait pas forcément été le cas chez tous les éditeurs donc je les remercie pour cela.
Grâce à l’application, nous avons pu ajouter un mode “expert” au jeu, simplifier la mise en place des indices de départ, apporter un petit plus à la phase de résolution, et proposer une partie “dailly challenge” ainsi qu’un “Puzzle du jour”. Tout en restant complètement optionnelle, je pense que cette application apporte un gros plus au jeu.
La sortie
Et c’est alors que le jeu a pris son envol lors d’Essen 2023, trois ans et demi après sa première version :
À titre personnel, cela a été une expérience merveilleuse, travailler avec l’équipe de Ludonaute a été un réel plaisir et ils ont toujours été à l’écoute de la moindre remarque que j’avais. J’espère que cette expérience se produira de nouveau. Une grosse pensée à Anne-Cécile, Manon, Cédric et Bruno.
Le jeu est désormais dans les mains des joueurs et les premiers retours sont excellents. Il ne me reste plus qu’à lui espérer longue vie et à souhaiter que vous l’appréciez.